Un symposium dédié aux troubles cognitifs induits par les traitements du cancer, destiné aux professionnels de santé a été organisé par le Cancéropôle Nord-Ouest le jeudi 24 Novembre 2016 à Paris. Ce symposium Cancer et Cognition a permis de réunir plus de 95 professionnels associant médecins, neuropsychologues, chercheurs et représentants de l’industrie pharmaceutique.
L’objectif de cette réunion était de faire le point sur les connaissances actuelles tant cliniques que précliniques permettant de mieux identifier et de comprendre l’impact des différents traitements du cancer sur les fonctions cognitives des patients, en identifiant des populations à risque et en proposant des actions pour aider les patients présentant de tels troubles.
Lors de ce symposium ont été abordés les mécanismes neurobiologiques des traitements jusqu’à la détection et la prise en charge des difficultés cognitives des patients.
- Une mise au point sur l’impact de l’irradiation encéphalique a été faite. Une atteinte cognitive est possible (généralement faible initialement) pouvant néanmoins se traduire des décennies après le traitement de la tumeur par une démence radio-induite. La radionécrose cérébrale focale et la leuco-encéphalopathie sont les principales toxicités retardées de la radiothérapie. Les nouvelles techniques de radiothérapie stéréotaxique devraient permettre de réduire le risque de troubles cognitifs induits.
- Une synthèse sur le rôle de la chimiothérapie dans la genèse des troubles cognitifs a été présentée. Ces derniers ont été largement étudiés chez les patientes traitées par chimiothérapie pour un cancer du sein. Les modèles animaux ont démontrés qu’il existait une action directe des drogues de chimiothérapie telles que le 5FU, le méthotrexate et le docetaxel. Si on détecte environ 25 à 30% de troubles cognitifs objectifs, ils sont dans la majorité des cas peu sévères et s’améliorent avec le temps. Ces troubles sont plus fréquemment observés chez les patientes âgées. La plainte cognitive est plus souvent rapportée avec un impact négatif sur la qualité de vie des patientes.
- La responsabilité de l’hormonothérapie et des thérapies ciblées sur la survenue de troubles cognitifs a été soulevée. Il existe une controverse sur l’impact potentiel des hormonothérapies classiquement utilisées dans le cancer du sein et de la prostate. Cependant il existe un rationnel préclinique, biologique et physiologique en faveur d’un impact cérébral direct de ces traitements (récepteurs aux androgènes et œstrogènes cérébraux). Les études cliniques sont de qualité inégale, mais globalement il pourrait y avoir un impact négatif du tamoxifene sur les fonctions cognitives – notamment sur la mémoire verbale et la vitesse de traitement. De même, les anti-androgènes impacteraient les performances de mémoire visio-spatiale. En pratique clinique, certaines hormonothérapies de nouvelle génération semblent parfois induire des perturbations cognitives et des études sont en cours pour mieux les identifier et les comprendre.
Le rôle des thérapies ciblées a été abordé. Sur des modèles précliniques, les anti-angiogéniques induisent des anomalies au niveau de l’hippocampe se traduisant par des modifications de la flexibilité cérébrale et des capacités d’apprentissage. Ces anomalies ne sont pas retrouvées par exemple avec les inhibiteurs de M-Tor. Les premières études cliniques tendent à confirmer l’impact des anti-angiogéniques inhibitrices des tyrosines kinases sur les fonctions cognitives des patients.
- Les populations à risques : la spécificité des populations à risque telles que les enfants et les patients âgés a été également abordée.
Cancer pédiatrique : L’irradiation encéphalique chez les enfants restent encore une source majeure de retard du développement cérébral et par conséquent de troubles cognitifs à l’âge adulte. A ce jour, sont développées des stratégies thérapeutiques visant à éviter ou limiter l’irradiation cérébrale du jeune enfant.
Patients âgés : Un lien a été observé entre la survie et les performances cognitives de patients âgés à l’initiation du traitement. Dans le cancer du sein, les patientes âgées semblent plus à risque de développer un déclin cognitif à l’issue du traitement adjuvant. Se pose également le problème de troubles cognitifs induits par l’âge qui peut avoir un impact sur l’observance des traitements oncologiques oraux.
- Détection des troubles cognitifs: intérêt d’un consensus pour l’évaluation des troubles cognitifs (principalement mémoire épisodique, mémoire de travail, fonctions exécutives, attention et vitesse de traitement) en cancérologie. Le groupe français GREC-ONCO (Groupe de Réflexion sur les Evaluations Cognitives en ONCOlogie) propose une batterie de tests spécifiques pour la cancérologie. Il demeure des difficultés méthodologiques de quantification du déclin cognitif en l’absence de sujets sains.
- Comment aider les patients ayant une plainte cognitive : ce sujet a été abordé sous forme d’une table ronde en présence d’un représentant de l’AFSOS (Association Française des Soins Oncologiques de Support). Les troubles des fonctions cognitives sont un symptôme qui existe réellement. La plainte cognitive peut également être le reflet de troubles de l’adaptation psycho-affective qu’il faut savoir identifier pour bien orienter les patients vers une prise en charge spécifique. Des expérimentations d’ateliers de rééducation cognitive ou d’activité physique adaptée sont en cours d’évaluation.